Vivons-nous dans une simulation ?
Par Stéphane Durand
– L’illusion de nos sens –
Publié en complément du carnet insolite
Quelques précisions sur ma chronique :
1) C’est bien le philosophe René Descartes qui le premier, il y a 400 ans, a réfléchi et pensé au malin génie qui envoie dans notre cerveau toutes les informations sensorielles que nous percevons sans qu’il n’y ait aucune véritable réalité extérieure autour de nous. C’est ce que Descartes a appelé le doute hyperbolique, et qui a conduit à l’affirmation (la seule parfaitement incontestable selon lui) : « Je pense, donc je suis ». Par contre, l’idée précise du cerveau dans un bocal (« brain in a vat » en anglais) a plutôt été introduite par le philosophe Hilary Putnam en 1981. Dans ma chronique, j’ai télescopé ces deux affirmations par manque de place.
2) Concernant la couleur, mentionnons que si l’onde électromagnétique vibre par exemple à la fréquence de 450 billions d’oscillations à la seconde, notre cerveau produit la sensation de rouge. Si elle vibre plutôt à 650 billions d’oscillations à la seconde, notre cerveau produit la sensation de bleu. En fait, comme nous l’avons expliqué dans un carnet précédent, l’oeil humain perçoit seulement 3 fréquences de base associées aux 3 couleurs primaires (rouge, vert, bleu) et construit toutes les autres par combinaisons.
3) Attention, le fait que les couleurs soient seulement dans notre tête ne veut pas dire que la réalité est en noir et blanc! Chaque objet, selon la composition chimique de sa surface, réfléchit des fréquences différentes de la lumière provenant du soleil ou d’une ampoule. Par conséquent, chaque objet émet une série d’ondes qui lui est propre. Et donc les objets autour de nous produisent une grande diversité d’ondes électromagnétiques. Mais il ne s’agit pas de couleurs en tant que telles; exactement comme les ondes-radio (qui ne sont qu’une autre forme de lumière invisible pour nos yeux) ne sont pas colorées.
4) L’illusion de nos sens est encore plus claire avec l’exemple de l’odeur. Les molécules odorantes ne sont que des molécules qui flottent dans l’air sans aucune odeur autour d’elles. Ce que nous appelons « odeur » n’est que le résultat de l’interaction de ces molécules avec les récepteurs de notre nerf olfactif. Ce n’est donc clairement qu’une fiction fabriquée par notre cerveau.
5) C’est la même chose pour les saveurs ainsi que pour le sens du toucher. Mais pour le toucher, c’est un peu plus compliqué, je vous laisse y réfléchir…
6) Un autre exemple de la puissance interprétative du cerveau se produit durant les rêves. Durant ces moments, nos sensations, qui ne sont pourtant qu’internes, nous semblent parfaitement réelles. C’est ce constat qui a conduit Descartes et d’autres philosophes à mettre en doute la réalité du monde extérieur.
7) Mais attention, je ne suis pas en train de dire que la réalité extérieure n’existe pas. Je dis simplement qu’un jour la technologie permettra de simuler artificiellement la réalité de telle sorte que nous ne pourrons faire la différence entre un monde simulé et un monde réel. Notez que certains chercheurs très sérieux ont argumenté sur la probabilité que nous vivions déjà dans une telle simulation : ce sera le sujet d’une prochaine chronique !
Dans cette perspective, rappelons qu’on peut facilement contester la nature « solide et concrète » de la réalité autour de nous, comme je l’avais expliqué dans une de mes chroniques de l’an passé : « Qu’est-ce que la réalité? » (du 14 avril 2013). Comme je disais alors: « l’implacable dureté de la réalité n’est qu’un genre d’illusion ».